Quel que soit notre parcours des objets que présente Najah Zarbout, nous nous laissons aller à la délicieuse sensation que nous procure l’ambiance ludique qui imprègne le lieu, avant de nous laisser gagner plus intensément par le plaisir de la suite des découvertes.
L’espace dans lequel nous évoluons est empreint de féminité, dominé qu’il est par la présence de poupées, de figures de poupées, et par celle de codes que seules ces poupées maîtrisent.
Voici tout d’abord une Reine Blanche qui semble veiller à l’ajustement des chevelures qui s’étalement à presque l’infini sur quelques fragments de papier.
Il y a aussi ces yeux qui, prenant parfois la forme de fleurs, ou bien atterris sur des œufs, semblent s’essayer au jeu de la séduction, alors qu’en réalité ils exercent une sorte de surveillance, et une surveillance qui n’épargne aucun des êtres d’alentour, y compris cette figure tutélaire qu’est la Reine blanche elle-même. Dans Je me sens une boite, la poupée au regard plutôt hagard semble déjà tout savoir ou presque sur notre monde et attend patiemment d’être délivrée des fils qui l’entravent.
La poupée devient gigogne dans l’un des dix dessins du prochain train par le simple fait qu’elle en exhibe une autre.
Dans Elles, la poupée devient plurielle non seulement du fait qu’elle prend l’apparence d’une femme ou qu’elle nous fixe d’un regard pointu, mais surtout du fait qu’elle met une certaine ostentation à se voiler et à se dévoiler et à se vêtir et à se dévêtir, sans jamais livrer la moindre explication quant sa présence ou au mystère de ses gestes.
Nous n’avons pas plus d’explication au fait que des lettres surgissent comme bon leur semble et forment ou non des mots intelligibles.
Nous avons seulement l’impression qu’ici, et dans presque tous les cas des poupées, ce qui est en jeu (pour autant qu’il y ait un enjeu) se rapporte à l’Autre et probablement aussi à la société en tant que cristallisation de l’altérité.
Quoi qu’il en soit, d’un simple espace physique, nous glissons dans un monde où les inversions et autres découpages nous entraînent, par le biais du merveilleux, vers un jardin où la réalité s’ouvre à tous les possibles.
Et, d’un jeu en apparence tout innocent à un jeu autrement plus complexe, où s’entremêlent les codes et autres rapports de tension, notre parcours nous ramène à l’évolution d’un petit être nommé Alice, qui s’avère être la plus petite des pièces évoluant sur l’immense échiquier que nous prenions pour un jardin, et qui devient Reine au terme d’aventures, en aboutissant à la huitième rangée.
Telle qu’inventée par Lewis Carroll dans « De l’autre côté du miroir », cette figure du pion qu’est Alice s’invite ici tout naturellement du fait qu’elle se trouverait judicieusement transposée en celle d’une autre poupée gigogne.
M’hamed SOUISSI